Les ondes sonores pour sauver des vies et améliorer la santé
9 septembre 2015Medieval Weapons & Firearms Free Sounds
22 septembre 2015Laurent Veronnez, plus connu sous le nom de “Airwave” est un artiste incontournable de la scène trance. Actif depuis 1996 sous différents pseudos (tel que Lolo, Cloud 69 ou The Green Martian), il a suivi l’évolution de la musique et du matériel mais également la façon de la jouer et de la vendre. Au vu de son parcours, j’ai eu envie de l’interviewer.
Bonjour Laurent. Comment as-tu découvert la musique électronique (et plus particulièrement la trance) et qu’as-tu ressenti la première fois que tu en as entendu ?
Bonjour Julien. La musique électronique plus pop étant tellement omniprésente sur les ondes et les tubes cathodiques du début des 80’s, j’ai baigné dedans depuis tout petit. Tout y passait, de Depeche Mode à Frankie Goes To Hollywood. C’était la révolution. Puis est venue une musique belgo-belge en 87, la new beat, qui a tout chamboulé. Que des synthés, que des samples, plus de lignes vocales. J’en ai profité durant la même période pour découvrir un artiste qui a certainement contribué à 90% à ce que je suis devenu, à savoir Vangelis. Je te dis pas ma tête quand j’ai entendu les premières lignes du thème de fin de Bladerunner. Ensuite a suivi Jean-Michel Jarre, et surtout ses Chants Magnétiques et Les Concerts en Chine. A l’époque je n’avais jamais touché un vrai synthé pro. Je n’ai jamais su pourquoi la musique électronique a un tel effet de magnétisme sur moi. La Trance, c’était bien plus tard, quand j’ai eu le temps de bien écouter toute cette musique électronique tellement bien ficelée et hors d’atteinte pour mes faibles capacités. Je me suis dit: “Enfin une musique que je pourrais réaliser, un peu plus à ma portée”. Je crois que j’avais 15 ans. Ce fut un véritable tremplin artistique et technique, et c’est pour cette raison qu’encore aujourd’hui j’en fais énormément.
Quel est ton équipement actuel pour composer de la musique ?
Un Mac Pro 12 cœurs fraîchement arrivé pour remplacer un laptop qui rame un peu pour la musique que je compose pour les médias et documentaires, car les librairies à multisamples kontakt, ça bouffe énormément de cycles CPU, surtout qu’un instrument Multi n’utilise qu’un seul fil ou cœur à la fois, donc on sature assez vite. Un Zoom H2 pour parfois enregistrer ma vie quotidienne et l’intégrer dans mes disques. Des tonnes d’instruments virtuels, mais les principaux sont Kontakt, Omnisphere, Alchemy. En effets virtuels j’ai une belle collection également. Ceux que je préfère sont de chez Sinevibes, une boite Ukrainienne, et l’autre effet que j’utilise presque tout le temps vient de chez Nomad Factory, il s’appelle Magnetic II.
As-tu suivi une formation musicale ou es-tu autodidacte ?
Pour “bien faire”, à 15 ans, je me suis inscrit au solfège, une année… Je me suis embêté, car j’avais l’impression que les profs et moi ne parlions pas le même langage. C’était un peu frustrant.
J’ai cru comprendre qu’après des années à composer de la musique tu t’es mis (relativement tardivement) aux live en soirée ? Qu’est-ce qui t’as décidé à passer du studio au mondes des clubs /raves ?
Les DJ sets sont depuis toujours la solution de facilité choisie par les promoteurs d’événements en électro… A mon grand désespoir. J’ai quelque part dû m’adapter mais à l’époque du vinyle, il y avait encore un challenge. J’ai commencé sur vinyle en 1995 avec mes premières dates sérieuses en 1999 et 2000. Après tout le monde est passé aux CDJ, c’est devenu aujourd’hui tellement simple que je crois que même ma mère pourrait le faire. J’ai voulu me diriger vers le Live, mais ni les promoteurs, ni le public, ni mes agents n’ont suivi. C’était en 2005. Deux ans plus tard, Paul van Dyk ne faisait plus que ça et tout le monde trouvait ça “génial”. Que veux-tu, on peut pas toujours être reconnu… On n’en est qu’au début de tout ça. Je prédis d’ici 2020 que toute la musique électronique pourra se jouer en Live, et je pense que le DJ’ing passera au second plan pour le grand public. Non par idéalisme, mais par besoin de se réinventer. Nous ne sommes que des acteurs et ne contrôlons pas ces choses. Pourtant elles font partie de l’évolution de tout style musical. Personnellement je n’ai jamais vu un Coldplay, un U2 ou un Depeche Mode se contenter de faire du Playback sur une bande pré-enregistrée. Tu vois ce que je veux dire? Alors la musique électronique suivra le même chemin. Et ça c’est du bonheur que de voir ça arriver bientôt.
Est-ce une industrie difficile ? Faut-il beaucoup jouer des coudes pour s’imposer dans le métier ?
Certains te diront qu’il n’y a que ça qui marche, faire jouer ses relations, trouver des filons. C’est comme tout métier. Mais il ne faut pas non plus oublier l’essentiel, le talent. Et ça se travaille beaucoup plus chaque jour. Aujourd’hui je vois beaucoup de parasites du métier avec peu de talent mais beaucoup de relations. Leur comportement est néfaste pour la collectivité car il n’ont qu’un but, c’est eux-mêmes. A partir du moment où tu refuses ce genre de culture, que tu travailles d’abord sur ta technique, ton vrai métier, ta vraie personnalité et que tu sais donner en retour ce que tu as reçu, tu n’as pas besoin de jouer des coudes, d’autres qui te respectent vraiment le feront pour toi parce qu’ils te font assez confiance pour savoir que tu le feras à ton tour. Récemment j’ai été évincé par deux personnes différentes avec de lourdes conséquences pour mon métier. Que veux-tu que je fasse, que je perde mon temps à essayer de les dénoncer? C’est justement parce que je vaux mieux que ça et qu’eux pas que je dois me taire et avancer. Le métier de musicien et comme n’importe quel autre métier. Faut faire avec. 20 ans que je suis là, et tous ceux qui m’ont mis des bâtons dans les roues avant ont tous disparu, tous ceux qui m’ont atteint et mis dans des positions impossibles, tous ont dû constater que je suis toujours là. J’en souris aujourd’hui.
Malgré ton nom qui n’est plus à présenter dans le domaine tu fais preuve d’une profonde humilité. Comment as-tu réussi à garder la tête bien sur les épaules là où le succès pourrait facilement faire tourner la tête de certains ?
C’est gentil ce que tu dis. Je ne sais pas si je suis si humble. Je n’ai eu que l’exemple des autres grands de ce monde. Un vrai gagnant, un vrai meneur se doit d’être un exemple de savoir-vivre. C’est aussi simple que ça et cela se vérifie dans tous les domaines. Ce n’est pas par narcissisme que je désire faire partie de l’histoire de certains, c’est parce qu’ils véhiculent ce que je tente de vectoriser: L’amour de mon métier, ma passion pour cette musique, ces sons, ces univers. Je suis un idéaliste fini, cela m’a joué bien des tours, je pourrais enrager et dire que je n’ai pas eu la carrière de certains de mes collègues, Armin van Buuren pour ne citer que lui. Eh bien je te dirai que ça ne devait pas arriver, et voilà tout, mon destin se situe ailleurs.
Quelles sont les plus belles rencontres musicales que tu aies pu faire tout au long de ta carrière ?
Armin justement, un bel exemple d’un esprit sain dans un corps sain. Il y a eu surtout pour moi John 00 Fleming, qui est intouchable dans ce registre. Je n’ai jamais vu chez quelqu’un autant de dévouement, de passion et d’abnégation. Son cancer est devenu une motivation de vivre et de réussite. Ferry Tayle pour sa détermination. Phi-phi, un DJ Français, pour ce qu’il nous a inspiré depuis 20 ans. Et tant d’autres, Di Bauer, Tiff Lacey, Torley, sont tous des musiciens et vocalistes absolument fabuleux.
Le morceau dont tu es le plus fier ? Et pouquoi ?
When things go wrong. C’est plus qu’un classique. 4 heures de ma vie pour le faire et qui ont tout changé. Aujourd’hui je suis incapable de faire un morceau en 4 heures ou même 8.
Je suis tout à fait d’accord avec toi ce morceau est une pure merveille avec pour moi aussi « Ladyblue » et ton titre sous ton pseudonyme Lolo, « Where Are You ». Est-ce qu’il y a un artiste des charts avec qui tu rêverais-tu de faire une collaboration ?
Zazie. Je rigole pas, j’aime plus trop la scène francophone, à part elle. C’est la seule qui fait encore de la musique qui m’intéresse ou au moins m’interpelle. La musique sonne aussi juste que les mots. Je suppose qu’une collaboration n’arrivera jamais, vu le gouffre, et je ne pense pas qu’un jour elle puisse trouver une quelconque attraction à mon univers sonore. C’est pour ça que c’est un rêve.
Tu as parlé de musique composée pour les documentaires et les médias. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet? Comment tu en es venu à composer pour ce milieu-là et vers quel style t’orientes-tu? J’imagine que ce n’est pas de la trance.
Il m’arrive en effet de composer toutes sortes de musiques, électronique ou non. C’est un peu par hasard que je suis tombé dedans, suite à quelques expériences personnelles sur mon album Bright Lines, pour lequel j’ai énormément investi. J’ai des tas de librairies d’instruments virtuels qui ne demandent qu’à se faire entendre, mais certains sont difficiles à placer dans les musiques de clubs. J’ai eu un pont d’or en décrochant le scoring de 40 recettes de cuisine en 2012 pour me faire la main avec d’autres styles que la musique de clubs, et je t’avoue que parfois ça demande nettement plus de challenge, donc ça m’intéresse autant. De fil en aiguille j’ai rencontré des personnes qui m’ont proposé des jobs à plus grande échelle, et aujourd’hui j’écris des scores entiers pour orchestre. En fait grâce à la musique produite pour des médias et documentaires et autres bandes-annonce, c’est mon niveau musical tout entier qui progresse. Donc c’est un investissement en temps et en argent largement justifié. Je n’ai aucun regret d’avoir entamé cette carrière en parallèle.
Comment as-tu vécu le passage des ventes sur vinyle aux ventes sur les plateformes internet ?
Mal, TRES mal. J’ai tendance comme beaucoup d’artistes à me victimiser inutilement, et après réalise que j’ai eu tort. J’ai fini par m’adapter comme tout le monde. Et aujourd’hui je te dirais que pour moi le téléchargement de mp3 va finir par mourir. J’espère qu’on pourra passer à un format plus haute-fidélité pour les téléchargements, en gardant les formats plus “pourris” pour le streaming, comme c’est déjà le cas. Le WAV ou mieux, l’AIFF, est plus adapté à notre époque et à l’internet très-haut-débit. Et pendant ce temps, je m’aperçois que le vinyle est toujours en circulation. La trance ne vend plus rien dans ce format, me dit-on, mais là je viens de jouer un set vinyle à Ibiza, sur demande de l’organisateur. Il serait peut-être prudent chez certains de revoir leur copie et peut-être s’adapter à la manière de vendre un artiste. On vend pas un code-barre, mais un être humain.
Peux-tu en exclusivité nous dévoiler un de tes futurs projets ?
J’essaie de mettre en route la promotion d’un album best-of de mes plus beaux titres de ces 20 dernières années. J’espère qu’il verra le jour. Et entretemps j’embraie sur la création d’un nouvel album, qui prendra énormément de temps, et sera sans doute le plus important travail discographique pour moi depuis 10 ans. J’approche des 40 ans et je suis donc à un tournant de mon existence. Je pense que le son s’imposera de lui-même, plus mûr, plus travaillé, moins cheap. J’ai besoin de marquer le pas, non pour montrer une pseudo-supériorité, mais bien pour vectoriser un état de bien-être, montrer qu’un certain savoir-faire ne peut jamais se perdre. Le son génial des disques de fin 99 à 2003 me manque terriblement. Là je te donne un scoop. Et plus que jamais il sera un poil alternatif, du moins assez pour convaincre un public qui en a marre comme moi de musique trop cheap, et plus que jamais il restera accessible à tous. Je ne suis pas un snob de la musique mais je l’aime de tout mon cœur et je me dois de la respecter.
Eh bien on se réjouit de l’écouter! Tu crées également des banques de sons pour les musiciens qui souhaitent faire de la musique électronique. Est-ce important pour toi de partager ton travail de cette façon-là également ?
C’est même le plus important. C’est ma manière de donner ce que j’ai reçu. Le plus grand service qu’un artiste peut se rendre à lui-même, c’est d’être généreux. Ça marche comme ça. Et je peux te dire que ce n’est qu’un début car je m’y suis mis très sérieusement dernièrement.
Merci Laurent !
Merci à toi, les entrevues en Français ne sont que trop rares pour moi et dieu sait à quel point elles sont importantes pour moi.
Crédit Photos: © Xavier Portela & Jeroen Bal