Autour du son, le podcast qui en met plein les oreilles
29 mars 2021Les sons de la Suisse
13 septembre 2021Raphaël Parisod est une personne avec qui j’ai de nombreux points communs. Mélomane, fin gastronome, créatif, DJ, il était tout naturel que nous nous entendions bien, tant humainement que professionnellement. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvé à travailler ensemble sur plusieurs projets de création sonore nécessitant des enregistrements de bruitage ou des voix-off. Grâce à sa société Wavestudios basée à Lausanne qu’il a créé en 2014, il crée de nombreux paysages sonores et musicaux pour des marques très prestigieuses. C’est donc tout naturellement que j’ai voulu partager avec vous son expérience et sa vision du métier. C’est l’occasion d’en découvrir un peu plus sur le métier de compositeur à l’image.
Bonjour Raphaël, pourrais-tu nous expliquer ce qui t’as mené au métier que tu fais aujourd’hui ?
C’est une longue histoire qui commence il y a une dizaine d’année. Je bidouillais de la musique pour des amis qui se trouvaient dans des métiers liés à la pub et la vidéo, ils me demandaient régulièrement des services du type : « tu pourrais me faire un peu de sound design ou me faire une musique pour tel projet ». Au début, c’était plus pour dépanner, mais à un moment, j’ai voulu améliorer mes compétences et me professionnaliser. Avec l’extension de la diffusion de vidéo dans le monde via les smartphones, ordis portables et autres, je me suis dit que le marché était là et en pleine expansion.
Quelles sont les qualités requises pour être un bon compositeur à l’image ?
Tout d’abord, être à l’écoute des clients et essayer de retranscrire au mieux leur message en musique. Il faut faire preuve de patience pour trouver le bon vocabulaire pour se comprendre correctement. Ensuite, avoir les bons outils de « MAO » (ndlr: Musique Assistée par Ordinateur), savoir les utiliser et écouter beaucoup de musique différente. S’entourer des bonnes personnes et de spécialistes, se tenir informé des avancées technologiques dans le domaine du son et surtout, rester passionné.
As-tu des compositeurs dont tu aimes particulièrement le travail ?
Pas spécialement, mes goûts sont tellement large qu’il m’est difficile de me limiter à quelques noms. Ça va de Brian Eno pour les ambiances cinématographiques, en passant par James Horner pour le côté grandiloquent, Air pour l’esthétique parfois too much de leur musique de salon, Krafwerk pour leur avant-gardisme et leur musique cent pour cent électronique, Vladimir Cosma pour ses musiques populaires, Philip Glass pour la musique contemporaine, bref j’aime beaucoup de chose, mais dans le domaine de la pub, je vais parfois rechercher des musiques dans des endroits improbables.
L’impressionnante collection vinyle de Raphäel Parisod
Qu’est-ce qui t’inspires quand tu composes ou élabore un projet ?
Tout d’abord, la marque, ce qu’elle symbolise, à qui elle s’adresse et son univers visuel. Les personnes qu’on cherche à interpeller par la musique que nous composons, la voix-off utilisée ou encore le sound design que nous créons.
Les moyens de diffusions du projet m’inspirent aussi, pour la radio je ne vais pas prendre les mêmes références et techniques que pour un projet TV, une expérience en événement ou pour la conception d’un jingle.
Lorsque tu es en panne d’inspiration, as-tu des petits trucs pour te redonner cette inspiration qui te manque ?Oui, quand la partition blanche est au rendez-vous, je passe à autre chose pendant quelques heures ou même quelques jours, le temps de retrouver des idées et de reposer mon imaginaire. J’écoute d’autres sonorités que celles du brief client, je lis beaucoup, c’est aussi une grande source d’inspirations, je regarde des pubs et je suis un grand cinéphile, tous ces loisirs m’aident à trouver l’inspiration, qui me tombe souvent dessus, un jour ou je m’y attendais pas.
Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer dans ce métier ?
Être flexible, à l’écoute et surtout trouver des solutions à la dernière minute pour nos clients. Nous sommes souvent en bout de chaine, comme par exemple lors de campagne TV ou les délais sont parfois difficiles à tenir, mais nous sommes tout de même obligés d’y arriver, au vu des enjeux financiers parfois élevés. C’est tous les jours un nouveau défi, c’est pour cette raison que j’aime ce métier et que je l’ai choisi.
Tu as été DJ. Est-ce que le fait d’avoir exercé derrière les platines est un plus dans ton métier ?
Je pense que oui. Quand tu mixes chaque week-end devant un public différent, tu dois savoir faire preuve de psychologie et t’adapter pour remplir ta mission. Tu t’adresses également à un public quand tu fais de la musique pour des marques, certes ce n’est pas le même que lorsque que je mixais, mais l’objectif reste similaire, marquer les gens et leur faire entendre un message.
Raphaël Parisod aka DJ Volta aux platines lors du Montreux Jazz Festival
Si tu devais choisir un projet dont tu serais particulièrement fier. Lequel serait-il et pourquoi ?
Celui que nous sommes en train de réaliser en ce moment pour l’un de nos clients. Malheureusement je ne peux pas trop t’en dire plus pour l’instant, mais nous créons des « expériences sonores » qui seront liés à des images projetées dans le cadre d’événement visible bientôt dans toute la Suisse. Le défi est énorme, car nous devons nous synchroniser entre une dizaine de corps de métiers pour concevoir ce projet. C’est une expérience inédite jamais réalisée auparavant et la marque a vu les choses en grand. Le processus est stressant, mais excitant à la fois. On pourra tous voir et entendre le fruit de notre travail uniquement une semaine avant le lancement.
On a eu plusieurs fois l’occasion de travailler ensemble sur des projets binauraux, notamment pour la célèbre manufacture horlogère FP Journe. Pourrais-tu nous expliquer ce qui t’attires particulièrement dans cette technologie audio ?
Depuis le début de l’histoire de la musique, les avancés scientifiques et techniques ont grandement participé à son évolution. Je me suis intéressé dès mon adolescence aux instruments électroniques, car ils transmettaient de nouvelles émotions de part leurs sonorités jusqu’à là, jamais entendu. De nos jours ces instruments et leurs sons sont communs à l’inconscient collectif. Je cherchais à partager de nouvelles sensations avec les gens et les marques, le Binaural m’est apparu comme une évidence. Je dois cette découverte à une équipe de l’EPFL qui m’a montré pour la première fois cette technologie il y a 5 ans. Je me suis dit, waouh ! Voilà un outil qui permet à l’auditeur de se retrouver à l’intérieur du son et de vivre avec un casque sur les oreilles des expériences immersives et inédites
Enregistrement binaural d’une montre de la marque FPJ Journe par Wavestudios et moi-même
As-tu des moments où tu as besoin du silence ? Ou tu sens le besoin de couper toute sollicitation auditive ?
Bien entendu, pour moi c’est indispensable de donner du repos à mes oreilles, je me balade en forêt très souvent, il y règne un « faux » calme, avec le bruit de la nature, des oiseaux et des ruisseaux, qui me convient bien. La montagne en hiver avec son ambiance cotonneuse, me permet aussi de me détendre correctement l’ouïe et là j’en profite pour lire.
Je sais que tu aimes cuisiner. Est-ce que tu abordes tes compositions comme une recette de cuisine ?
Parfois, tout dépend du projet et de ce que je cuisine….Pour faire un parallèle entre les deux, c’est toujours une question de dosage et d’équilibre. Si tu as les bonnes matières premières (les bons sons et les bonnes harmonies) dès le départ du projet, tu n’as pas besoin de mettre trop d’épice par la suite. Il faut toujours des bons produits pour commencer et ensuite c’est plus facile d’obtenir du bon goût.
Tu m’as dit que tu aimais écouter des podcasts. En aurais-tu qqs uns à conseiller à nos lecteurs ?
Bin…. le tien (ndlr.: Autour du son) ! Il est vraiment bien, il mérite d’être partagé avec les personnes qui veulent en savoir un peu plus sur le son en générale. Sinon, ceux de la RTS, ceux de France Culture sont bien, celui qui m’a interpellé, plus de par sa conception, est une fiction en son 3D, L’Appel des abysses de Cyril Legrais et Juliette Rose, réalisée par Baptiste Guiton. Après, j’écoute aussi beaucoup des interviews sur Youtube quand le contenu visuel n’apporte rien, mais que le sujet est passionnant, je prépare à manger et je laisse tourner la vidéo. Pour citer une chaîne, je dirais Thinkerview
À l’ère du tout numérique, tu m’as dit avoir racheté des synthétiseurs physiques. Tu aimes ce rapport à la machine ?
Je passe ma journée devant l’ordi dans le cadre de mes activités chez Wavestudios et à côté, ma passion c’est de faire de la musique pour moi. Autrement dit, je passe une bonne partie de ma vie devant un ordi. Les synthétiseurs sont entrés dans ma vie quand j’avais 7 ans et ils me suivent depuis toujours. Bon il y a eu du changement en 30 ans, mais c’est un peu mes jouets et mes copains de route en même temps. Ils m’inspirent de part leur design sonore et visuel et ils m’éloignent des ordis, c’est un bon compromis pour continuer de faire de la musique tout en s’amusant.
Le studio de Wavestudios et ses synthétiseurs
Merci Raphaël d’avoir répondu à mes questions et je te souhaite le plein succès dans tes prochains projets.
Suivez l’actualité de Wavestudios sur www.wavestudios.ch et découvrez leur travail à travers ce showreel