L’évolution de la qualité audio
10 août 2015Les ondes sonores pour sauver des vies et améliorer la santé
9 septembre 2015Felix Blume est un passionné de son au parcours impressionnant. En tant que preneur de son, il écume le monde entier pour les besoins de courts-métrages ou documentaires. Ayant certainement plein de choses à raconter et partager, je lui ai demandé de répondre à quelques questions pour le blog.
Felix, bonjour, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour Julien. Toujours difficile de se présenter… En français j’aime bien me présenter comme « preneur de son » (même si je ne me consacre pas uniquement à le « prendre ») et, en espagnol, le mot « sonidista » me plaît. Je vois le son comme une « matière sonore » qui se travaille, à la manière de l’électricien qui travaille l’électricité ou du plombier qui travaille le plomb.
Actuellement, je suis ingénieur du son et je travaille comme preneur de son et/ou monteur son pour le documentaire, la fiction (long et court métrage), l’art vidéo (de plus en plus) ou la radio. Je développe aussi plusieurs projets personnels de travaux sonores basés sur des prises de sons (field-recording), des vidéos de très courte durée (autour du son), des installations sonores ou des évènements radiophoniques…
Quelle est la première expérience que tu aies eue avec le domaine du son (dans ton enfance par exemple)?
Je ne sais pas exactement comment se définit le « domaine du son », mais s’il s’agit de la possibilité d’enregistrer ou de reproduire des sons, je pense que cela remonte à des enregistrements (principalement de voix) avec un magnétophone très basique alors que j’avais 5 ans, mais c’était plus la découverte d’un jouet comme un autre… L’envie de faire du son un travail est venu plus tard, aux alentours de 16-17 ans, avec la nécessité de penser à des études. J’ai choisi ce métier (au départ) avec l’idée d’être en contact avec le milieu de la musique. J’étudiais à l’époque les percussions classiques au conservatoire. Au fil des études, mes envies ont évolué…
Qu’est-ce qui t’a amené à devenir preneur de son sur des tournages?
Après deux ans d’études au BTS Audiovisuel de Toulouse (en option son) et avec des expériences très orientées vers la musique (sonorisation de concert, enregistrement en studio) je sentais encore l’envie d’apprendre et d’expérimenter un peu plus les multiples facettes du son. Je me suis alors tourné vers les écoles de cinéma qui permettaient de perfectionner mes connaissances et mon expérience du son. J’ai passé le concours de Louis-Lumière à Paris, la HFF à Berlin et l’INSAS à Bruxelles… C’est dans cette dernière école que j’ai étudié pendant 3 ans, et que j’ai développé très vite un intérêt pour la prise de son documentaire (principalement).
Joli parcours! Parle-nous maintenant technique. Quelle est ta configuration matérielle ?
En ce moment et depuis quelques années je travaille avec un Sound Devices 8 pistes, le 788T équipé d’un CL8 et d’un CL WiFi (que j’apprécie particulièrement). Comme micros j’utilise principalement un couple MS Schoeps CCM41+CCM8 mais j’ai également plusieurs CMC6 et CMC5, des capsules MK4 et MK41, un micro Sennheiser MKH8060, ainsi que des micros plus compacts MyNoise-Mic. En micros HF j’ai des liaisons Lectrosonics Dual Hybrid avec des micros Sanken COS11D. J’utilise également toute une série de micros contacts et aquatiques de marque Aquarian ou JRF (Jez Riley French) ainsi que des capteurs magnétiques (pick-up). J’aime beaucoup les perches PSC (modèle M et XL) et les suspensions et windscreen Cinela sont pour moi une véritable révolution dans la prise de son. J’utilise un casque Sennheiser HD25, comme beaucoup… et pour les liaisons intercom j’utilise du Sennheiser evolution.
Avec tout ce matériel as-tu déjà rencontré des problèmes à la douane lorsque tu voyageais ?
C’est parfois compliqué, mais jamais réellement problématique. Les contrôles sont très différents selon les pays : certains ont la crainte des « travailleurs illégaux » (comme les États-Unis d’Amérique par exemple), d’autres sont pointilleux sur le contrôle de l’information (les pays du Maghreb par exemple, entre autres), d’autres enfin craignent l’importation/revente de matériel (comme c’est le cas de certains pays d’Amérique Latine). Dans la plupart des cas je n’ai rencontré aucun problème et les productions font souvent du bon travail en amont !
Sur ton site personnel (www.felixblume.com) tu as choisi de te mettre en scène dans diverses vidéos que tu mets régulièrement à jour. Comment t’es venu cette excellente idée ?
L’idée vient de la première vidéo, à la poursuite d’une cannette en métal qui roule au gré du vent dans un désert de sel au nord du Chili… Je crois que de cette idée (venue en complicité avec le cameraman et la réalisatrice du projet que je tournais là-bas) sont venues les vidéos suivantes, presque tout le temps sur des tournages, avec des idées simples : le plan fixe, la possibilité de voir le preneur de son (habituellement derrière la caméra) et l’envie de mettre en évidence un « point de vue sonore », de modifier l’écoute du spectateur…
Sur ta page freesound (https://www.freesound.org/people/felix.blume/) tu partages une quantité exceptionnelle de sons en haute qualité et libres de droits (Creative Common). Pourquoi cette démarche ? Est-ce important pour toi de mettre à disposition gratuitement ces enregistrements ?
Le développement d’Internet me semble une belle aventure, les choses changent très vite et permettent d’innombrables possibilités de partage, de découverte, d’expérimentation. Je trouve ça extrêmement important que certaines initiatives continuent sur la base de l’échange et de la gratuité. Le projet de Freesound me semble essentiel et j’y participe depuis plusieurs années. Certaines choses doivent rester gratuites dans un monde qui a tendance à se privatiser et à devenir payant sur tous les points. J’aime l’idée que le preneur de son n’a fait que « capter » une situation sonore qui existait, et qu’il ne soit qu’un intermédiaire entre certains sons et certaines oreilles. Les sons, comme l’air, doivent encore pouvoir rester gratuits et voyager d’un bout à l’autre de la planète…
Quel lieux/animaux/objets rêverais-tu d’immortaliser avec ton enregistreur ?
J’ai évidemment plusieurs envies sonores, j’espère toujours en avoir… En parlant d’animaux, j’aimerais beaucoup pouvoir en enregistrer plus ! Le son des cigognes fait partie des sons que je n’ai pas encore eu la chance de capter, ce claquètement du bec quand elles arrivent au nid. Il y aussi beaucoup de lieux que j’aimerais connaître, écouter et enregistrer… la fonte des glaces et ce bruit cristallin des morceaux de glace qui s’entrechoquent est une expérience sonore que j’aimerais beaucoup pouvoir vivre !
Aurais-tu une anecdote de tournage à nous raconter?
Il y en aurait beaucoup à raconter bien sûr, chaque tournage a ses anecdotes. Les moments qui me plaisent particulièrement sont ceux dans lesquels des personnes, étrangères à la technique du son, le découvrent, amplifié par les micros, les casques… Je pense notamment à ce merveilleux moment dans le Haut-Atlas où un vieillard malentendant découvre la possibilité d’écouter tous les détails sonores qui l’entourent via le casque et les micros. (https://vimeo.com/40906680 ).
Je pense aussi à cette nuit à Kiev où l’on enregistrait le couinement d’une balançoire et où un policier vient nous demander d’arrêter de jouer dans une aire de jeu destinée aux enfants. Au moment où je lui mets le casque sur les oreilles, son énervement change tout à coup, il est à la fois intrigué par cette nouvelle expérience ou nous prend pour des fous… mais s’en va avec le sourire et nous laisse continuer à enregistrer !
Quelle a été ta plus grosse galère lors d’une prise de son ?
On m’a déjà posé plusieurs fois la question sans que j’aie de réponse précise. J’ai des souvenirs de moments très compliqués, voire dangereux, notamment la descente dans les mines d’or au Venezuela, à 300 mètres sous terre avec comme seul moyen de descente (et de montée) une branche accrochée à un câble actionné par un treuil… Ou des moments de tournage particulièrement éprouvants pendant une de mes premières expériences de preneur de son , au Mali en 2005, où les conditions étaient parfois dures…
Il y a eu un tournage particulièrement compliqué sur les côtes européennes et africaines du détroit de Gibraltar : il fallait filmer des enfants dans l’eau et, que cela soit depuis la plage ou depuis une barque, c’était extrêmement difficile, avec les vagues à éviter ou le mal de mer après quelques heures… (Sur le tournage de « Don’t Cross The Bridge Before You Get To The River » de Francis Alÿs)
As-tu des idoles dans le métier ?
J’admire le travail de beaucoup de personnalités du son. J’aime Chris Watson pour son travail à la fois de preneur de son pour la BBC et pour sa capacité à retransmettre ses sons sous la forme de création sonore ou de recueil de prises de sons. J’aime également le travail de Jean-Pierre Duret, à la fois preneur de son pour la fiction et réalisateur de projets documentaires que j’apprécie beaucoup. Plusieurs de mes professeurs sont aussi des personnes qui m’ont appris beaucoup, chacun à leur niveau, et m’ont permis de forger mon approche du son.
Y’a-t-il un autre domaine sonore que tu rêverais d’explorer ?
Actuellement, j’aime expérimenter les possibilités qu’offre la radio sous toutes ses formes, avec toutes les déclinaisons qu’offrent la radio par internet, le podcast ou le streaming. Je développe aussi plusieurs projets d’installations sonores ou d’interventions sonores dans l’espace public, plus axé vers l’Art Sonore, et je me plais à expérimenter un domaine que je connais encore très peu…
Merci Felix d’avoir répondu à cette interview et bonne chance dans tes projets !
Félix BLUME – www.felixblume.com
2 Comments
Personnage très intéressant. Ces courtes vidéos de son “Wild Track” sont toutes simples mais attirent notre attention sur l’importance du son.
[…] Allez également faire un tour sur la page de Felix Blume, qui a effectué un grand nombre d’enregistrements issus des lieux de tournages ou il a officié en tant que preneur de son. Tout ses sons sont libres de droits et d’une qualité impressionnante. Vous pourrez également retrouver l’interview que j’ai effectuée pour le blog à ce lien. […]