Ces bruitages que l’on retrouve partout
10 octobre 2015Vœux de Noël Publicis en musique
8 décembre 2015A cette période où Star Wars revient sur le devant de la scène avec un 7 ème épisode, il me semblait qu’une rétrospective sur les sons mythiques de cette saga s’imposait. Il aurait été impensable pour moi de passer à côté de ce sujet puisque ces films ont depuis toujours constitué une grande source d’inspiration pour mon travail et ont contribué à mon envie d’exercer la profession de sound designer aujourd’hui. Il aurait été impensable pour moi de passer à côté de ce sujet puisque ces films ont depuis toujours constitué une grande source d’inspiration pour mon travail et ont contribué à mon envie d’exercer la profession de sound designer aujourd’hui. Ben Burtt, le sound designer en chef de tous les épisodes de Star Wars, mais également d’autres blockbusters comme Indiana Jones, Star Trek ou Wall-E, a véritablement révolutionné le domaine du sound design au cinéma. Les premiers bruitages qu’il a créés pour la saga ont maintenant 40 ans, et bien qu’ils aient été remasterisés depuis, leur essence même est toujours identique et actuelle. Peu de films ont en réalité si bien vieilli en terme de bande sonore. Le son du sabre laser n’a pas changé à travers les 6 épisodes mais n’a pourtant pas pris une seule ride.
Ben Burtt dans son studio installé dans la cave de sa maison.
La genèse du sound design de Star Wars
Dans cet article, vous allez découvrir les divers éléments sonores qui ont été utilisés et ont servi de base à la création de quelques bruitages mythiques de la saga Star Wars. Même si plusieurs centaines de sons ont été créés au total, ils ne seront pas tous détaillés ici. Mais avant cela, replaçons la sortie de ce film dans son contexte. Rappelons que le premier opus, l’Episode IV – A New Hope, fut dévoilé au public en 1977, soit il y a une quarantaine d’années. A cette époque, pas de logiciels de montage numérique de type Pro Tools, peu d’ordinateurs et encore moins de plugins d’effets virtuels. Tout était enregistré sur bande sur des enregistreurs Nagra et travaillé depuis celles-ci pour enregistrer le résultat final (bounce ou master) sur une nouvelle bande, ce qui, avec notre regard actuel, peut être considéré comme une véritable prouesse technique.
D’autre part, Ben Burtt, fraîchement sorti de l’University of Southern California, en était vraiment au début de sa carrière quand il participa à la conception de la bande sonore du film. Star Wars ne fut que son 2e film en tant que sound designer!!! Sa carrière était définitivement lancée! On peut dire avec certitude que malgré son expérience relativement faible il a su trouver le son juste pour chaque élément du film et contribuer pleinement à son succès. Et ce ne fut pas chose facile, George Lucas, était très peu présent en studio car constamment en voyage autour du monde pour diriger les équipes sur les différents lieux de tournages (Tunisie, Guatemala, Angleterre, USA). Rappelons qu’à cette époque, internet n’existait pas et qu’il était impossible d’envoyer des fichiers à l’autre bout du monde. Il fallait donc que Ben Burtt attende plusieurs mois que le réalisateur revienne pour qu’il écoute le fruit de son travail, le valide ou lui demande parfois de tout changer. Une des seules et principales indications qu’il reçut fut d’avoir des bruitages plutôt organiques en contraste total avec les films de science-fiction basés généralement sur des sons très artificiels issus de synthétiseurs. Le film La Planète Interdite (Forbidden Planet), sorti en 1956, en est un excellent exemple. Pour la musique, le désir de Georges Lucas fut de même. Alors que la mode était là encore aux musiques synthétiques, George Lucas décida de repasser au « classique » en engageant John Williams et son orchestre pour écrire le thème principale. On le lui déconseilla, il tint bon et l’avenir lui donna raison tant le thème est devenu culte avec le temps!
Alors quelles sont les sonorités qui se trouvent derrière le bruitage du sabre laser, de la respiration de Dark Vador, des fameux Tie Fighter ou encore des pistolets lasers? Je vais vous les détailler les uns après les autres d’après certains documents que j’ai lus sur le sujet. Je recommande d’ailleurs l’excellent ouvrage « The Sounds of Star Wars » écrit par J.W. Rinzler et Ben Burtt, sorti aux éditions Simon & Schuster. Celui-ci détaille, exemple à l’appui, près de 300 bruitages du film. Une véritable bible pour tous sound designers passionnés.
Le sabre laser
Qui n’a jamais entendu le vrombissement électrique de l’arme qui rythme chacun des combats épiques de la saga. C’est en fait le tout premier bruitage sur lequel Ben Burtt commença à travailler. En lisant le story board avant le tournage, il fut particulièrement attiré par les images représentant le sabre laser l’ont interpelé. Il commença par enregistrer le bruitage d’un projecteur de film lorsqu’il était lui-même projectionniste pour un cinéma. En le ralentissant un peu il obtint quelque chose d’intéressant mais qui manquait encore de caractère. Le reste de la création de ce bruitage est arrivé par accident. C’est en se baladant dans son appartement, enregistreur allumé et casque sur les oreilles avec un micro donc le câble était défectueux que Ben Burtt se rendit compte qu’un vrombissement intéressant apparaissait sur l’enregistrement lorsqu’il passait devant le tube cathodique de sa télévision! Le son du sabre laser était tout trouvé! Pour obtenir enfin ce fameux « waou waou » non linéaire, le résultat du montage fut diffusé sur un haut-parleur puis réenregistré à l’aide d’un micro manié comme une épée devant l’enceinte de façon à reproduire les gestes des acteurs et être en parfaite synchronisation avec les sabres maniés à l’écran. L’utilisation de cette technique permis ainsi d’obtenir l’Effet Doppler qui accentua l’impression de mouvement. L’illusion est parfaite! Quelques effets d’arcs électriques ont encore été ajoutés pour les impacts lorsque les sabres se touchent.
La respiration de Dark Vador
C’est à l’aide d’un masque de plongée que cette fameuse respiration fut créée. Le côté incroyable de ce bruitage, c’est que son effet est saisissant, bien qu’il soit relativement simple comparé à d’autres bruitages du film. Quel soldat rebelle ou même de l’Empire n’a pas tremblé en entendant cette respiration s’approcher? Pour ajouter un peu de profondeur et d’ampleur à cette respiration, il la joua sur un haut-parleur placé dans un long couloir puis réenregistra le résultat sur son magnétophone avec l’effet acoustique de la pièce.
Les pistolets lasers
La création de ce son est aussi totalement issu du hasard. C’est lors d’une balade entre Ben Burtt et son père que ce dernier, en passant près d’une tour de relai radio, percuta par inadvertance un câble de soutien avec son sac à dos. L’impact et la vibration du câble produisirent alors un grand “Piouuuuu” qui attira l’attention du sound designer et devint ainsi la base sonore des armes utilisées dans la saga.
Ben Burtt enregistrant le bruit d’impact contre le câble métallique.
Pour varier le bruitage entre les différents pistolets lasers du film, il varia tantôt la vitesse de lecture (rendant le son plus grave ou plus aigu), ajouta tantôt un son de bazooka ou le bruit bien particulier que produit la glace lorsqu’elle est déposée sur du métal.
R2-D2
La difficulté dans le fait de bruiter le droïde était qu’il devait sonner à la fois électronique mais à la fois posséder des caractéristiques d’intelligence artificielle réagissant avec émotion aux diverses actions ou protagonistes du film. Rappelons que R2-D2 et son acolyte C3PO échangent beaucoup de dialogues tout au long des épisodes 4 à 6, comme deux êtres humains le feraient. Il était donc nécessaire que le petit robot puisse avoir un lot diversifié de répliques et d’émotions pour créer des phrases complexes et variées.
Synthétiseur modulaire Arp 2600
Pour ce faire, Ben Burtt mélangea plusieurs éléments. Pour les « blips » électroniques, ce fut surtout un synthétiseur modulaire Arp 2600 qu’il utilisa. Le sound designer, à l’aide d’un microphone, déclenchait avec sa voix des séquences programmées sur le synthétiseur, créant ainsi des mélodies complexes mais avec une touche humaine. Pour accentuer le côté petit et mignon de R2-D2, Ben Burtt se mit dans la peau d’un enfant en bas âge et poussa ses vocalises en fonction. Personnellement, j’aurais adoré être sur place lors de l’enregistrement pour assister à cette scène!
Chewbacca
Vous l’aurez certainement deviné, les cris de Chewbacca proviennent d’animaux. En premier lieu, ce sont tout simplement les cris d’un ours qui ont servi de base. Logique me direz-vous. Mais il ne s’est pas arrêté là puisqu’il ajouta encore des cris de lions, de chiens et de cougar! Bien qu’on puisse peut-être avoir l’impression que son cri est un peu toujours le même, sa panoplie de réplique est pourtant assez variée.
Ben Burtt lors de l’enregistrement d’animaux pour les divers protagonistes du film.
Tie Fighter
C’est LE vaisseau de la saga dont l’entrée en scène fut une des plus remarquées lors de ses premières diffusions (et aujourd’hui encore). Petite genèse de ce bruitage bien étrange : c’est en regardant un documentaire sur une bataille de la seconde guerre mondiale que George Lucas attira l’attention du sound designer sur le son provoqué par une fusée nazi. Ben Burtt se mit en charge de trouver quelque chose de similaire dans les libraires de la Twentieth Century Fox et retrouva ces caractéristiques sonores par hasard dans… le cri d’un éléphant! En le ralentissant et en l’étirant, il obtint ainsi quelque chose de très proche du son produit par les
fusées allemandes. Il ajouta encore par-dessus le bruit du passage d’une voiture sur route mouillée et le tour était joué!
La Pod Race
La course de pod race est une des séquences culte de l’Episode I – The Phantom Menace. Il aura fallu pas moins de 3 mois (!!!) de post-production pour réaliser la bande sonore de cette longue scène aux bruitages omniprésents. Le pari de cette scène fut d’avoir du bruit en permanence mais de toutefois réussir à faire une montée en puissance, petit à petit, tout en permettant à la musique d’avoir également sa place. Une véritable réussite! L’une des autres prouesses techniques fut de donner un caractère sonore bien différent à chaque véhicule. L’idée fut de faire des sonorités proches du caractère des protagonistes des véhicules (méchant, gentil, maladroit, etc.). Pour créer ces bruitages, vous l’aurez deviné, ce sont en toute logique des véhicules qui ont servi de base sonore. On retrouve ainsi des formules 1 (que l’on reconnaît très bien quand on y prête attention), des avions à réaction, des motos, des bateaux, des fusées, des hélicoptères ou encore des vieilles voitures au moteur bien bruyant. D’autres sonorités bien plus inattendues ont également été utilisées, telles qu’un rasoir électrique (dont la vibration fut enregistrée contre un saladier en métal) et une brosse à dent électrique. (la vidéo suivante n’est pas l’originale tirée du film mais elle a l’avantage de faire la part belle aux bruitages)
Les bombes Seismic
Ce bruitage est l’un de mes favoris! Je me souviens encore avoir fait « WOOOOW », les yeux écarquillés, la première fois que je l’ai entendu. La particularité de ce son, c’est d’avoir fait la chose… à l’inverse. En effet, l’explosion en elle-même ne fait pas de bruit, celui-ci apparaissant après, avec le souffle. L’idée étant de créer une espèce de “trou noir sonore” dont l’explosion serait si intense qu’elle absorberait le son qu’elle produit elle-même. Pendant l’explosion d’environ une seconde, le silence est complet: ni bruitage, ni dialogue, ni musique! Un véritable coup de génie ! Vient alors le souffle de l’explosion. Ce bruitage est terrifiant tant il est froid, dur et synthétique. De plus, le contraste entre le moment de silence et le moment où le son revient, donne au spectateur l’impression que celui-ci est encore plus puissant!
Malheureusement, aucune source sur la sonorité de bruitage n’est disponible, Ben Burtt préférant le garder secret (et on peut le comprendre). On devine toutefois un coup de feu avec écho, certainement un synthétiseur, et le reste demeure un mystère. Petite anecdote, Ben Burtt propose un son similaire pour la première trilogie que Georges Lucas ne valida pas. Cette idée lui resta en tête et il décida de réessayer ce bruitage sur la seconde trilogie. On est plutôt heureux qu’il ait repris son idée des années plus tard puisqu’elle fut validée et devint ce bruitage démentiel! Seconde anecdote, les ingénieurs du son, occupés à mixer le film, crurent à une erreur lorsqu’ils entendirent (ou pas… du coup) le trou noir sonore, et annoncèrent au sound designer qu’il y a avait un trou dans la bande son. Celui-ci les rassura aussitôt en leur expliquant le concept. Dernière anecdote, George Lucas, qui avait choisi le nom Sonic Charge pour ces explosifs, choisit de les renommer en Seismic Charge après le tournage tant il trouva que ce terme correspondait mieux au bruitage créé par le sound designer. Il fallut ainsi réenregistrer la réplique d’Ewan McGregor en studio de post-production pour que celle-ci corresponde au nouveau nom choisi.
Il y aurait quantité d’autres bruitages dont on pourrait encore parler mais ceux-ci étant au nombre de plusieurs centaines, j’ai préféré me focaliser sur les sons connus de tous ou ceux qui m’ont particulièrement emballés. N’hésitez pas à poster un commentaire si vous désirez en savoir un peu plus sur d’autres bruitages qui m’auraient peut-être échappés et je les ajouterai à l’article.
Le saviez-vous ?
- Certains bruitages ont été enregistrés dans la cave de Ben Burtt (c.f. photo en début d’article). Il dit lui-même que sur quelques extraits, on entend les pas des gens marcher à l’étage, des bruits d’ouverture et fermeture de frigo ainsi que des bruits d’assiettes déplacées.
- Il y a 3 acteurs jouant Dark Vador : l’un portant le costume, l’autre faisant sa voix et le troisième (Ben Burtt) faisant sa respiration.
- La fameuse phrase « je suis ton père » prononcée par Dark Vador a été secrètement enregistrée en post-production. Pour garder le suspense jusqu’au bout et éviter les fuites, la réplique ne fut pas écrite sur le scénario. Seul Mark Hamill (l’interprète de Luke Skywalker) fut mis au courant pour que son jeu (le fameux «noooooooooooon !!!! ») soit parfait. Une idée de génie tant cette phrase est devenue culte.
- L’une des voix extra-terrestre provient d’une femme que Ben Burtt a recrutée dans un magasin, après l’avoir entendue parler à un vendeur et réaliser qu’elle avait un timbre bien particulier.
- Certains langages étrangers ont été créés à base de langues existantes comme le zoulou par exemple. Il paraît que lors de la diffusion de ce film sur ce territoire, ceux-ci ont bien ri en entendant des répliques qui, du coup, n’avaient pour eux ni queue ni tête.
- La plupart des salles de cinéma de l’époque avaient encore un système de diffusion mono ! Certaines ont décidé d’améliorer leur système pour être en mesure de diffuser la bande son de ce film dans sa « qualité maximale ». La stéréo étant en quelque sorte la HD de l’époque. On imagine mal vivre les passages de vaisseaux à l’écran en mono.
- Le bébé de Ben Burtt a produit un rot qu’il s’empressa d’enregistrer et qui devint le cri d’un monstre marin dans l’épisode 1.
- Le cri de Wilhelm (c.f article Ces bruitages que l’on retrouve partout) apparaît au moins une fois dans chacun des épisodes de la saga.
- Les noms de certains personnages ont été modifiés en français pour mieux convenir au mouvement des lèvres ou aux habitudes de la langue. Ainsi, C3PO en anglais devient Z6PO en français. Han Solo devient Yan Solo et Darth Vader devient Dark Vador (plus facile à prononcer pour un francophone).
5 Comments
Bravo pour ton article!
[…] Le sound design est majoritairement utilisé pour créer des sonorités irréelles, qui ne sont pas présentes dans notre monde : une arme futuriste, un vaisseau spatial ou un monstre, pour ne citer que ces exemples. Ces sons sont généralement créés à partir de bruitages existants et de synthèse sonore (un clavier de musique par exemple), mais sont souvent complètement détournés de leur origine. On n’aura aucune peine à imaginer qu’un film comme Star Wars par exemple, regorge de sound design (plus de détails sur le sujet dans mon article Les sons mythiques de Star Wars). […]
Salut Julien,
Je viens de découvrir ton site en cherchant à savoir comment les sons des blasteurs, vaisseaux et autre bruitage de Star Wars on été créer. J’ai une belle réponse avec ton site que j’ai mis dans mes favoris !
J’ai en ce moment un job qui me permet d’acheter du matériel musical et prise de son. Mon projet est de vivre de mes créations, techno electro, rock, SF musique etc. Je joue pour l’instant quelques petits concerts et je vois les choses plus grandes.
Un de mes prochains achats est sans doute un micro pour les prises de sons extérieurs… Mais comme je suis musicien je veux aussi pouvoir enregistrer des instruments et diverses bruitages (que je triture ensuite s’il le faut).
En consultant ton site je pense que tu seras bon conseillé. Quel micro et matériel peux tu me conseiller? Si besoin je mets le prix dans mon matériel.
Salut Fabien,
Merci pour ton commentaire sur mon article, cela me fait plaisir. Pourquoi ne pas discuter de tout cela par mail, cela sera plus simple. Voici mon adresse: jm@julien-matthey.com
Pourrais-tu me dire dans cet email quel type d’instrument tu voudrais pouvoir enregistrer et éventuellement quel type de bruitages? As-tu déjà un enregistreur? Je pourrai alors te conseiller qqs modèles de micros.
[…] https://julien-matthey.com/les-sons-mythiques-de-star-wars/ […]